Mathieu Bock-Côté: «Le basculement autoritaire du Royaume-Uni»

Écouter cet article
00:00/04:58
Mathieu Bock-Côté.
Mathieu Bock-Côté. Le Figaro

CHRONIQUE - Si les émeutes qui ont secoué le Royaume-Uni du 30 juillet au 5 août dernier ont été durement réprimées, c’est parce qu’elles remettaient en cause le récit officiel d’un multiculturalisme heureux, estime notre chroniqueur.

Il y a quelques semaines à peine, de puissantes émeutes anti-immigration secouaient le Royaume-Uni. À lire la presse internationale, il fallait y voir un soulèvement d’extrême droite, animé par une pulsion raciste. Elles furent assurément le théâtre de gestes absolument condamnables. Les choses étaient pourtant plus complexes. On connaît le point de départ des événements : le massacre de trois jeunes filles par le fils d’un immigré rwandais. Mais la simple mention de ce fait faisait déjà scandale dans le système médiatique britannique, qui préférait présenter le meurtrier comme un Gallois parmi d’autres, puisqu’il était né au pays de Galles. Il fallait y voir un fait divers. On a vite cessé de le mentionner, d’ailleurs, dans la mise en récit des événements.

À découvrir
  • PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié

Le commun des mortels y a pourtant vu, avec raison, une tentative délibérée d’occultation du réel, rappelant le scandale de Telford, en 2018. On avait alors découvert l’existence d’un système d’esclavage sexuel de jeunes filles de la classe ouvrière britannique organisé par un gang pakistanais. La chose était connue depuis longtemps, par la police et par les services sociaux, mais tue, de peur de susciter une accusation de racisme. Ce n’était pas la première fois. Le sort affreux réservé à ces fillettes dévoilait pour plusieurs le lien entre immigration et insécurité.

La violence condamnable

Ces émeutes ont donc jeté dans la rue des milliers de Britanniques. Le pouvoir travailliste, déstabilisé, même, a voulu les mater, par tous les moyens nécessaires, au point même de faire quasi officiellement alliance avec les milices islamistes rapidement mobilisées auxquelles la police multiplia les gestes de soumission, évoquant le fameux roman de Michel Houellebecq.  

Naturellement, toute violence, qu’elle soit contre les biens ou les personnes, est condamnable. Mais le pouvoir ne s’est pas contenté de réprimer les violents, et a trouvé dans cette révolte l’occasion idéale pour renforcer les lois encadrant la liberté d’expression de manière particulièrement liberticide – on parlera sans exagérer de lois de censure. Elles se multiplient partout en Occident.

Le gouvernement de Keir Starmer a même libéré des places en prison pour faire de la place aux émeutiers et militants des réseaux sociaux qui les auraient soutenus. On peinera à ne pas y voir un retour du délit d’opinion.

Le prétexte est toujours le même : le régime diversitaire prétend sauver la démocratie en combattant la « désinformation » et les « propos haineux ». La désinformation est toutefois assimilée à toute remise en question du « narratif officiel » dans les sociétés occidentales contemporaines. Quant aux propos haineux, ils désignent toute critique un tant soit peu articulée du mythe de la diversité heureuse et des revendications formulées en son nom. Pour le faire, on amalgame à des propos authentiquement séditieux des critiques simplement musclées du multiculturalisme.

Le problème n’était-il pas qu’on puisse exprimer librement de tels propos ? Très rapidement, Elon Musk fut désigné comme le grand coupable des événements. Le réseau social X (anciennement Twitter) fut présenté comme le vecteur virtuel principal de cette révolte anti-immigration. X cause problème dans la mesure où il dégage un espace où un contre-récit peut prendre forme, délivré de l’idéologie dominante. Il permet autrement dit une forme de dissidence narrative à grande échelle, favorisant à sa suite une dissidence politique.

Un retour du délit d’opinion

La maîtrise des réseaux sociaux, au nom de leur « modération », est devenue grande obsession d’un pouvoir inquiet devant une possible révolte populaire. Le moindre écart de conduite sur les réseaux sociaux doit être sanctionné. On a ainsi vu des Britanniques condamnés pour avoir retweeté un « mème ». Le gouvernement de Keir Starmer a même libéré des places en prison pour faire de la place aux émeutiers et militants des réseaux sociaux qui les auraient soutenus. On peinera à ne pas y voir un retour du délit d’opinion.

Le régime diversitaire ne tolère pas qu’on le contredise. L’opposition à l’immigration massive est assimilée au racisme, et il faudrait se montrer intraitable avec elle, mais le racisme antiblanc, lui, n’existerait pas – on ne saurait donc le sanctionner. La délinquance conquérante n’existerait pas non plus : en parler relèverait de la désinformation et il faudrait censurer sans la moindre hésitation ceux qui prétendraient le contraire. Tout comme ceux parlant de la submersion migratoire : ne propageraient-ils pas à la fois une théorie conspirationniste et des propos haineux ? La censure devient ici l’expression achevée d’une démocratie nettoyée de ses scories.

C’est paradoxalement au nom de l’État de droit que se met en place un régime autoritaire résolu à mater une population en colère, que cette révolte soit électorale, comme on le voit avec la diabolisation des partis populistes, médiatique, comme elle s’exprime sur les réseaux sociaux, ou dans la rue. Partout, on voit ce basculement s’opérer, pour sauver la démocratie contre un peuple hanté, et même possédé, par le démon du populisme, et qu’il faut par tous les moyens neutraliser.

La rédaction vous conseille

Comments

Popular posts from this blog