Bourse : ces 5 signaux qui trahissent l’existence d’une bulle spéculative… et son éclatement à venir

DÉCRYPTAGE - Dans un contexte de doutes sur les valorisations des entreprises de l’IA, de nombreux observateurs essayent de déceler dans les leçons des krachs passés les signes avant-coureurs d’une crise future.
L’intelligence artificielle est-elle la bulle spéculative du 21e siècle ? Ces derniers jours, de nombreuses voix respectées ont alerté sur une surrévaluation des acteurs du secteur, mettant en danger les marchés mondiaux. Peter Thiel, co-fondateur de PayPal et Palantir, a ainsi vendu l’intégralité de ses actions Nvidia, soit 537.000 parts, et le patron de Google, Sundar Pichai, a reconnu qu’il existait une certaine «irrationalité» dans la frénésie autour de l’IA. Il faut dire que les valorisations stratosphériques de quelques champions du secteur – Nvidia a même cassé le plafond des 5000 milliards de dollars ! – dépassent l’entendement et pourraient laisser penser qu’une bulle ne cesse de gonfler. En réalité, et si l’on met de côté une poignée d’oracles éclairés, bien malin qui pourra prédire l’avenir.
Si les krachs s’anticipent rarement, reste qu’on peut en tirer des leçons. Parmi les causes des crises passées apparaissent des constantes, des répétitions, des redites. Ce sont là, peut-être, les signes avant-coureurs des crises futures. En voici cinq.
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Des valorisations excessives, sans fondement économique
C’est le signal numéro un de toute bulle spéculative : une déconnexion entre la valorisation des entreprises et leur valeur réelle. Il suffit de regarder les valorisations délirantes atteintes par certaines start-ups lors de la bulle internet de 2000. Des sociétés comme Yahoo, Cisco ou Amazon affichaient des ratios «cours sur bénéfices» supérieurs à 100, 200, voire plus. En d’autres termes, l’entreprise présente un cours qui pèse 100 à 200 fois ses bénéfices. D’autres start-ups n’avaient même pas de modèle économique viable.
À titre de comparaison, Nvidia, pourtant première capitalisation boursière mondiale, présente actuellement un ratio autour de 50. La situation reste moins risquée qu’il y a vingt ans : «Les leaders actuels de l’IA, Nvidia, Microsoft, Google, Amazon, sont des entreprises massivement rentables, avec des trésoreries solides, loin des start-ups sans revenus de la bulle dot-com (internet, ndlr)», nuance Corentin Hué, directeur de Finary One.
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Une forte concentration autour de quelques acteurs
Nvidia, Apple, Microsoft, Google, Amazon, Meta, Tesla : ces «7 magnifiques» représentent aujourd’hui 30% de l’indice S&P 500. Nvidia pèse à elle seule près de 8%. Cette concentration stratosphérique autour d’une poignée de valeurs de l’IA est risquée : une mauvaise nouvelle risquerait de faire basculer tout le marché. Là encore, la bulle internet de 1999-2000 est riche en enseignements, puisque la Bourse était dominée par une poignée d’acteurs tels que Cisco, Intel, Microsoft ou Yahoo. Citons également la bulle des «Nifty Fifty» – surnom d’un groupe d’entreprises très recherchées, comme Coca-Cola, Kodak ou McDonald’s - au début des années 1970. En 2008, c’est la concentration des risques autour de quelques institutions financières systémiques qui s’était révélée fatale. La faillite de la banque Lehman Brothers avait ainsi accéléré et aggravé la crise.
Un récit irrationnel autour de l’arrivée d’une nouvelle technologie
Haut responsable de la BCE, Luis de Guindos s’est récemment inquiété du «décalage apparent» entre «l’incertitude» entourant la politique économique mondiale et «la sérénité» affichée par les marchés. Ce déphasage est typique des bulles spéculatives. Bien souvent, celles-ci coïncident avec l’arrivée d’une nouvelle technologique présentée comme révolutionnaire. Tout le monde croit au récit d’une croissance «infinie». Mais l’euphorie peut se muer en surconfiance, et la surconfiance en aveuglement. En 1999-2000, il suffisait qu’une entreprise appose «.com» à son nom pour lever des millions. La mécanique est similaire aujourd’hui avec l’IA, employé à toutes les sauces. C’est ce que Michel Menigoz, directeur général adjoint chez Sanso Longchamp AM, appelle «l’effet de mode» : «Les récits autour de l’intelligence artificielle ou des nouvelles technologies peuvent éclipser les critères classiques de rentabilité ou de solidité financière», explique-t-il dans une tribune.
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Des politiques monétaires (trop) accommodantes
Lors d’une bulle, l’excès de confiance s’accompagne bien souvent d’un excès de liquidités généré par une politique monétaire accommodante. En octobre, la Réserve fédérale américaine (Fed) a baissé ses taux d’intérêt pour la deuxième fois consécutive. Or, «l’économie ne montre pas de signe de récession imminente», et la Fed «prend le risque d’alimenter une nouvelle phase d’euphorie sur les marchés», souligne dans une note d’analyse Étienne Gorgeon, responsable gestion obligataire chez Sanso Longchamp AM. Il observe «des parallèles frappants avec 1999», lorsque la Fed avait assoupli sa politique monétaire. Le Nasdaq s’était envolé de 86% et le S&P 500 de 20%. «À la fin des années 1990, c’était Internet ; aujourd’hui, c’est l’intelligence artificielle. Dans les deux cas, l’enthousiasme a pris le pas sur la prudence», ajoute-t-il.
Un recours excessif au crédit
Recourir à la dette pour augmenter son investissement : c’est ce qu’on appelle l’effet de levier. Ce mécanisme grossit les gains en temps de spéculation, mais il multiplie les dégâts une fois la crise arrivée. Dans son analyse de la crise de 1929, la Banque de France note qu’aux États-Unis, l’achat d’actions par emprunt a pu atteindre «jusqu’à 90%, remboursés par plus-values lors de la vente de l’action». Mais «s’il y a moins-value, le courtier doit vendre les actifs en réserve à défaut de versement de nouveaux fonds par le propriétaire des titres, ce qui entraîne une baisse des cours en cas de ventes massives». Aujourd’hui, ce sont les pratiques des fonds d’investissement spéculatifs, dits hedge funds, qui inquiètent particulièrement la BCE. Ces derniers, fortement endettés, présentent des risques de liquidités qui pourraient «provoquer des ventes forcées et accentuer les tensions sur les marchés», alerte Luis de Guindos.
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