Alexandre Devecchio : «Shein ou l’autre submersion de l’Europe»

Par , pour Le Figaro Magazine
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Une boutique Shein a ouvert ses portes le 5 novembre au sein du BHV, à Paris.
Une boutique Shein a ouvert ses portes le 5 novembre au sein du BHV, à Paris. Abdul Saboor / REUTERS

LA BATAILLE DES IDÉES - Moins visible que la vague migratoire, cette déferlante made in China a, elle aussi, des conséquences catastrophiques. Elle tue notre industrie, nos petits commerces et nos centres-villes.

Un scandale peut en cacher un autre. Cette semaine, l’affaire des poupées pédopornographiques vendues par la plate-forme en ligne chinoise Shein a légitimement suscité l’émotion. Derrière des visuels de fillettes en apparence innocents, des descriptifs insoutenables à caractère pédophile. Le débat s’est à juste titre focalisé sur la protection de l’enfance et il est indispensable qu’une enquête soit ouverte à ce sujet.

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Mais les poupées de la honte révèlent aussi un autre scandale : celui de la submersion de l’Europe par des produits chinois à bas coût ne respectant aucune norme sociale, sanitaire ou écologique. Moins visible que la vague migratoire, cette déferlante made in China a, elle aussi, des conséquences catastrophiques. Elle tue notre industrie, nos petits commerces et nos centres-villes. Demain, elle pourrait achever la classe moyenne comme ce fut le cas aux États-Unis, où la crise des opioïdes, consécutive à la délocalisation des usines et des emplois en Chine, a causé plus de 700 000 décès. C’est l’une des raisons de la guerre commerciale déclenchée par Trump. En plus d’avoir massivement augmenté les droits de douane sur les produits chinois, il a mis en place une taxe de 100 dollars sur chaque colis venu de Chine. Une fermeture des frontières qui pousse l’empire du Milieu à déverser sa production sur le Vieux Continent.

L’année dernière, 4,6 milliards de colis sont entrés en Europe, soit 145 chaque seconde, dont neuf sur dix provenaient de Chine. L’affaire des poupées montre que les plates-formes chinoises ne respectent aucune norme et que les contrôles sont insuffisants. Une concurrence d’autant plus déloyale que les produits fabriqués en Europe sont soumis à des règles hyperstrictes. La Commission européenne veut imposer une taxe de 2 euros sur les petits colis, ce qui permettra à peine de financer les contrôles douaniers, et ne dissuadera pas les consommateurs. Sur cette question, comme sur celle de l’immigration, son logiciel libre-échangiste et son organisation à 27 condamnent l’UE à l’impuissance. Pis, sa folie bureaucratique aggrave le mal.

En cinq ans, l’UE a adopté pas moins de 13 000 réglementations

Face à une offensive commerciale sans précédent, l’UE est non seulement incapable de protéger son marché, mais défie toute concurrence lorsqu’il s’agit d’inventer de nouvelles règles et de nouveaux interdits pesant sur sa propre économie. ZFE, RSE, DPE, CSRD, CS3D, il est impossible d’énumérer ici toutes les normes imaginées, ne serait-ce que récemment, par la technocratie européenne. La palme de l’absurde revient à la directive imposant d’équiper de toilettes les modestes installations des ostréiculteurs. En cinq ans, l’UE a adopté pas moins de 13 000 réglementations. Le Green Deal prévoit un agenda normatif que d’aucuns jugent intenable et dont les conséquences sur l’agriculture, l’automobile, le logement ou l’énergie, pourraient être dévastatrices. Pour surnager face à la vague chinoise, l’économie européenne devrait se délester de ses lourdeurs administratives. Elle s’apprête, au contraire, à supporter de nouveaux boulets normatifs. Au risque d’être engloutie.

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