«Irresponsabilité publique, l’un des maux de l’État français»

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Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine.
Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine. Le Figaro Magazine

Si l’on veut que les Français retrouvent confiance dans l’État, il est temps que ses dirigeants rendent des comptes.

Après l’invraisemblable vol des bijoux de la Couronne, la présidente du Louvre a présenté sa démission. Mais le président de la République ne l’a pas acceptée. De son côté, Rachida Dati, ministre de la Culture, a affirmé, contre toute évidence, que « les dispositifs de sécurité du Musée du Louvre n’ont pas été défaillants ». On n’ose imaginer l’ampleur du butin s’ils l’avaient été…

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L’irresponsabilité collective est l’un des maux de l’État français. Quand Notre-Dame brûle, ce n’est la faute de personne. Quand les recettes fiscales sont surestimées de 60 milliards d’euros, c’est une erreur technique. Quand la justice relâche par anticipation un délinquant qui commet ensuite un meurtre, ce sont des choses qui arrivent. Circulez, il n’y a rien à voir, ni personne à sanctionner.

L’absence de responsabilité des hauts fonctionnaires est d’abord de nature légale. Les magistrats sont protégés par leur indépendance, et les autres dirigeants publics ne sont pas juridiquement responsables de leur action (ou de leur absence d’action), à moins qu’ils n’aient commis « une faute personnelle détachable de l’exercice de leurs fonctions ». L’objectif est de les mettre à l’abri des pressions.

Mais le problème est qu’ils n’ont pas non plus de comptes à rendre aux citoyens français ou à leurs représentants. Le Parlement est certes supposé évaluer les politiques publiques, mais c’est le pouvoir exécutif qui gère les hauts fonctionnaires. En tout cas théoriquement : rien que depuis 2022, on en est à sept gouvernements et 130 ministres nommés. Avec une telle instabilité, l’administration peut dormir tranquille.

Un ministre n’a jamais intérêt à contrarier ses services. L’État profond n’est pas un fantasme

De toute façon, il y a bien longtemps que celle-ci s’est autonomisée du politique. Un livre publié par un collectif de hauts dirigeants des secteurs privés et publics (Le Manifeste de la dernière chance, Les Gracques, Albin Michel) l’explique sans ambages : « Partout, un accord implicite est passé entre le ministre et ses administrations centrales : s’il les laisse tranquille, le ministre pourra compter sur leur soutien. Sinon… » Autrement dit, un ministre n’a jamais intérêt à contrarier ses services. L’État profond n’est pas un fantasme.

Dans le secteur privé, les cadres dirigeants sont en permanence sous pression : ils ont des objectifs à atteindre, révisés (généralement à la hausse) tous les ans. Au niveau le plus élevé de l’entreprise, un dirigeant est même révocable ad nutum, c’est-à-dire sans justification, par ses actionnaires, s’il ne donne pas satisfaction. C’est la contrepartie normale d’une responsabilité et d’une rémunération élevées.

Rien de tel dans la haute fonction publique. Pourtant, les salaires n’y sont pas négligeables : selon une estimation d’Olivier Marleix de 2022, 70.000 personnes y sont payées davantage qu’un parlementaire (soit 7000€ brut par mois). Sans avoir pour autant la précarité d’un élu ou la tension d’un cadre dirigeant d’entreprise. Si l’on veut que les Français retrouvent confiance dans l’État, il est temps que ses dirigeants rendent des comptes.

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